Quand ton pays devient une salle d’attente…

Article : Quand ton pays devient une salle d’attente…
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31 août 2021

Quand ton pays devient une salle d’attente…

Au Liban, la journée d’un citoyen se réduit à une interminable suite d’attentes.

Attendre pendant des heures, sous le soleil cruel d’un mois d’août, au milieu d’une file de plusieurs centaines de mètres.

Attendre un litre d’essence, un sac de pain, une bouffée de gaz butane ou quelques comprimés d’anti-douleur.

Attendre que l’ampoule s’allume au plafond et que le frigo se remette à ronronner, le ventre vide.

Attendre les chiffres de la pandémie.

Attendre que les écoles ouvrent leurs portes.

Attendre un salaire aux traits congestionnés qui arrive en trébuchant et se perd en route, absorbé par les sables mouvants qui tremblent sous vos pieds.

Attendre le virement, en fresh dollars, d’un parent rongé par la culpabilité de vivre dignement, au-delà des frontières et d’y manger à sa faim avec de l’argent gagné à la sueur de son exil.

Attendre le taux de change du jour.

Attendre une énième visite officielle à l’issue connue d’avance.

Attendre les prochaines élections.

Attendre la fin de la corruption.

Attendre une énième catastrophe qui, comble de l’ironie, n’arrive jamais sans prévenir.

Attendre à la porte d’un service d’immigration.

Attendre un tampon sur le passeport.

Attendre que cet état d’engourdissement gagne tous vos membres.

Attendre quelques regards apitoyés.

Attendre, les yeux scrutant un horizon invisible, ce vent qui viendra nettoyer le pays de tous ses maux.

Attendre sous un ciel bas comme un couvercle que cette voûte vous tombe sur la tête ou vous emporte dans les airs.

Attendre que la machine se détraque.

Attendre la renaissance alors qu’on a cessé d’y croire.

Atendre la fin de ce long métrage joué en boucle et dont vous êtes le héros.

Attendre que la tempête vienne décimer la Bête.

Attendre et s’obstiner à attendre que les choses finissent par s’arranger.

Attendre et ne jamais cesser d’attendre.

Attendre à en oublier ce qu’on était venu attendre.

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