Le français : un atout
La langue française a toujours été pour moi un atout, un «plus» dont je pouvais me vanter et qui me permettait de vivre ma singularité.
Quand d’autres se sentaient fières de leurs cheveux alors que les miens étaient toujours coupés court, façon ‘‘garçon’’, moi je roucoulais une suite de phrases dans ‘‘la langue de l’école’’ qui me valaient des regards admiratifs et maints encouragements. Quand d’autres montraient leurs jolies poupées aux robes bariolées, j’empilais mes livres, mes bandes dessinées que j’avais lus et relus jusqu’à les user. Quand, après de longues vacances, d’autres affichaient les photos de leurs voyages, de leurs sorties, moi je montrais les textes que j’avais écrits : poèmes courts ou longs récits… Bref, mon français faisait ma fierté, et celle de mes parents, il faut le dire. Ce n’est que plus tard, beaucoup plus tard que je me suis rendu compte de tout ce dont ils s’étaient privés afin que je sois scolarisée dans cette école où on apprenait, à merveille, le français.
Le français a toujours eu pour moi un statut très particulier
Il n’a jamais été une langue étrangère, ni tout simplement une langue de scolarisation. C’est une langue que j’ai découverte certes à l’école mais que j’ai aussi largement utilisée à la maison pour échanger avec ma mère. Cette dernière me demandait de lui raconter, en français, tout ce que j’avais vécu, appris… au cours de la journée. Plus tard, je le faisais à l’écrit dans un petit cahier. Je ne sais trop si j’ai vécu ces moments comme un calvaire ou comme une quelconque punition. J’en garde un très fort souvenir, mais auquel ne s’associe aucun état d’âme. Toutefois, je suis convaincue, aujourd’hui, que ce sont ces activités quotidiennes imposées par ma mère qui ont contribué à ce que je maîtrise, à perfection oserais-je dire, une langue qui n’est pas celle de mon pays.
Le français, langue apprise et enseignée
Depuis le temps de mes études scolaires, je griffonnais notes et commentaires, dans la langue de Molière, sur les cahiers de mes copines de classe. J’inventais des histoires que je recopiais une dizaine de fois, en essayant d’imiter les caractères d’imprimerie, et je les vendais à qui voulait les lire. Mes profs me félicitaient pour mon style fluide, pour mon français correct. Après le bac, je n’ai donc pas réfléchi deux fois avant de m’inscrire à la faculté des lettres de l’université libanaise où j’ai fait mes études en langue et littérature françaises. Avant même d’obtenir ma licence, j’ai sauté sur la première occasion qui s’est présentée pour commencer à pratiquer un métier qui me passionne : enseigner le français. Cela fait quinze ans que j’enseigne dans cette langue que j’apprécie. J’aime bien mon métier. Je le fais avec beaucoup de plaisir. Or, mes rapports avec le français ne se sont pas limités au seul usage professionnel et scolaire.
Le français : moyen d’expression littéraire
Depuis le journal intime de la petite enfance, je n’ai pas arrêté de tracer, noir sur blanc, en grandes lettres cursives, mes joies et mes peines, mes rêves et mes craintes. Avec les années, j’ai vu ma plume glisser vers la fiction, d’abord pour déguiser ce que je ne voulais avouer sur moi, sur ma réalité, mon entourage, ensuite pour goûter au plaisir de créer un monde, des personnages qui ont chacun son histoire, mais qui reste bien souvent un peu la mienne J’écris surtout des nouvelles. Je raconte mon enfance, mon pays. Mes lignes sentent les fleurs d’oranger. Mes mots ont le goût des sirops préparés par ma grand-mère. Mes pages renvoient l’écho des bombes qui ont secoué les murs de ma ville et les éclats de rire des enfants qui fréquentent ses ruelles. Ce que je vis en arabe, je le transcris en français.
Curieux, peut-être. Mais, c’est ma réalité.
C’est en français que je raisonne et que je formule le mieux mes idées. C’est dans le répertoire de ma langue de scolarisation que je trouve, sans effort, les mots pour exprimer ce que je ressens et les moyens d’agencer mes récits.
La francophonie : un enrichissement culturel
Il n’y a pas très longtemps, j’ai découvert un nouvel apport que pouvait me prodiguer la langue française. Ayant participé à un concours, j’ai en effet été sélectionnée afin d’adhérer au projet « Mondoblog », plateforme qui « contribue au dialogue des cultures et au développement de contenus francophones de qualité sur internet. […] Il s’inscrit dans le cadre des missions de l’Organisation internationale de la francophonie qui œuvrent pour la promotion et la diffusion de la langue française dans le monde et valorisent la diversité culturelle. »
Depuis, la langue française a pris un nouveau sens pour moi, je dirais plutôt que l’usage que j’en fais n’est plus le même. Depuis la création de mon blog j’ai commencé à communiquer avec des personnes du monde entier, des personnes, pour la plupart comme moi, dont la langue vernaculaire n’est pas le français. Or, grâce à cette langue, nous reflétons chacun sa culture, rapportons les événements qui se passent autour de nous, décrivons nos préoccupations… Cet échange n’aurait pas été possible sans cette langue que nous avons en commun et qui nous offre la chance d’un enrichissement culturel mutuel.
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