Le français : un atout

Article : Le français : un atout
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11 août 2015

Le français : un atout

La langue française a toujours été pour moi un atout, un «plus» dont je pouvais me vanter et qui me permettait de vivre ma singularité.

 

Quand d’autres se sentaient fières de leurs cheveux alors que les miens étaient toujours coupés court, façon ‘‘garçon’’, moi je roucoulais une suite de phrases dans ‘‘la langue de l’école’’ qui me valaient des regards admiratifs et maints encouragements. Quand d’autres montraient leurs jolies poupées aux robes bariolées, j’empilais mes livres, mes bandes dessinées que j’avais lus et relus jusqu’à les user. Quand, après de longues vacances, d’autres affichaient les photos de leurs voyages, de leurs sorties, moi je montrais les textes que j’avais écrits : poèmes courts ou longs récits… Bref, mon français faisait ma fierté, et celle de mes parents, il faut le dire. Ce n’est que plus tard, beaucoup plus tard que je me suis rendu compte de tout ce dont ils s’étaient privés afin que je sois scolarisée dans cette école où on apprenait, à merveille, le français.

Le français a toujours eu pour moi un statut très particulier

Il n’a jamais été une langue étrangère, ni tout simplement une langue de scolarisation. C’est une langue que j’ai découverte certes à l’école mais que j’ai aussi largement utilisée à la maison pour échanger avec ma mère. Cette dernière me demandait de lui raconter, en français, tout ce que j’avais vécu, appris… au cours de la journée. Plus tard, je le faisais à l’écrit dans un petit cahier. Je ne sais trop si j’ai vécu ces moments comme un calvaire ou comme une quelconque punition. J’en garde un très fort souvenir, mais auquel ne s’associe aucun état d’âme. Toutefois, je suis convaincue, aujourd’hui, que ce sont ces activités quotidiennes imposées par ma mère qui ont contribué à ce que je maîtrise, à perfection oserais-je dire, une langue qui n’est pas celle de mon pays.

Le français, langue apprise et enseignée

Depuis le temps de mes études scolaires, je griffonnais notes et commentaires, dans la langue de Molière, sur les cahiers de mes copines de classe. J’inventais des histoires que je recopiais une dizaine de fois, en essayant d’imiter les caractères d’imprimerie, et je les vendais à qui voulait les lire. Mes profs me félicitaient pour mon style fluide, pour mon français correct.  Après le bac, je n’ai donc pas réfléchi deux fois avant de m’inscrire à la faculté des lettres de l’université libanaise où j’ai fait mes études en langue et littérature françaises. Avant même d’obtenir ma licence, j’ai sauté sur la première occasion qui s’est présentée pour commencer à pratiquer un métier qui me passionne : enseigner le français. Cela fait quinze ans que j’enseigne dans cette langue que j’apprécie. J’aime bien mon métier. Je le fais avec beaucoup de plaisir. Or, mes rapports avec le français ne se sont pas limités au seul usage professionnel et scolaire.

Le français : moyen d’expression littéraire

Depuis le journal intime de la petite enfance, je n’ai pas arrêté de tracer, noir sur blanc, en grandes lettres cursives, mes joies et mes peines, mes rêves et mes craintes. Avec les années, j’ai vu ma plume glisser vers la fiction, d’abord pour déguiser ce que je ne voulais avouer sur moi, sur ma réalité, mon entourage, ensuite pour goûter au plaisir de créer un monde, des personnages qui ont chacun son histoire, mais qui reste bien souvent un peu la mienne J’écris surtout des nouvelles. Je raconte mon enfance, mon pays. Mes lignes sentent les fleurs d’oranger. Mes mots ont le goût des sirops préparés par ma grand-mère. Mes pages renvoient l’écho des bombes qui ont secoué les murs de ma ville et les éclats de rire des enfants qui fréquentent ses ruelles. Ce que je vis en arabe, je le transcris en français.

Curieux, peut-être. Mais, c’est ma réalité.

C’est en français que je raisonne et que je formule le mieux mes idées. C’est dans le répertoire de ma langue de scolarisation que je trouve, sans effort, les mots pour exprimer ce que je ressens et les moyens d’agencer mes récits.

 

La francophonie : un enrichissement culturel

Il n’y a pas très longtemps, j’ai découvert un nouvel apport que pouvait me prodiguer la langue française. Ayant participé à un concours, j’ai en effet été sélectionnée afin d’adhérer au projet « Mondoblog », plateforme qui « contribue au dialogue des cultures et au développement de contenus francophones de qualité sur internet. […] Il s’inscrit dans le cadre des missions de l’Organisation internationale de la francophonie qui œuvrent pour la promotion et la diffusion de la langue française dans le monde et valorisent la diversité culturelle. »

Depuis, la langue française a pris un nouveau sens pour moi, je dirais plutôt que l’usage que j’en fais n’est plus le même. Depuis la création de mon blog j’ai commencé à communiquer avec des personnes du monde entier, des personnes, pour la plupart comme moi, dont la langue vernaculaire n’est pas le français. Or, grâce à cette langue, nous reflétons chacun sa culture, rapportons les événements qui se passent autour de nous, décrivons nos préoccupations… Cet échange n’aurait pas été possible sans cette langue que nous avons en commun et qui nous offre la chance d’un enrichissement culturel mutuel.

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Commentaires

allison cain
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J'ai trouvé ce que vous avez dévoilé très touchant. Merci de votre effort de valoriser l'importance d'appendre cette belle langue.

Rima ABDEL FATTAH MOUBAYED
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C'est à moi de vous remercier de votre commentaire très valorisant. Heureuse de votre passage sur mon blog.

Le Jeune Maghrébin
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Un article intéressant, comme d'habitude. Sincèrement, je me suis identifié à toi. Et je crois que tu as toutes les raisons d’être fière de ton français, car tu manipules bien la langue de Molière. Bien à toi Rima, je suis heureux d'avoir connu ton blog !
Cordialement
DRISS

Rima ABDEL FATTAH MOUBAYED
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Mon cher Driss
Bienheureuse de savoir que tu apprécies mon écriture. Merci de tout cœur.

Benjamin Yobouet
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C'est tout simplement magnifique dirais-je.

Et si je beneficiais de temps en temps de ton expérience pour mes écrits? Ça me ferait plaisir!

Cordialement

Rima ABDEL FATTAH MOUBAYED
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Avec plaisir! Bienvenu sur mon blog.

saria SAYADI
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c'est si joliment écrit et décrit!! on sent ta sincérité à travers les lignes, continues et surtout n'arrêtes pas d'écrire!!

Rima ABDEL FATTAH MOUBAYED
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Merci, ma chère Saria.

saria SAYADI
Répondre

c'est si joliment écrit et décrit, on ressent ta sincérité à travers les lignes.
ne t'arrêtes surtout pas!

Elsa Kane Njiale
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Je trouve ta démarche courageuse. Au moins c'est clair tu aimes le français, pas la France (lol) m^me si j'ai bien peur que ta déclaration d'amour soit interprtée autrement.

Rima ABDEL FATTAH MOUBAYED
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Je me demande ce qui, dans mon billet, laisserait comprendre que je n'aime pas la France (ce qui n'est pas du tout vrai). Les textes peuvent avoir plusieurs interprétations, c'est normal. J'aimerais bien connaître celle que tu trouves au mien. Merci de suivre mon blog, c'est toujours enrichissant de lire tes commentaires.

Elsa Kane Njiale
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Merci Rima.
En réalité l’allusion à la France c’est juste une manière de faire référence à certains préjugés que tu tords d’ailleurs à travers ton post. Souvent quand un africain ou quelqu’un des pays sous-développés clame son amour pour le français (et la France) on soupçonne tout de suite son amour d’être intéressé. On le traite de vendu qui a honte de ses origines.
D’autre part, l’actualité est à la sauvegarde de nos dialectes. Pour de nombreux experts en effet, plusieurs langues nationales vont disparaitre d’ici quelques années si rien n’est fait. Cette situation concerne surtout les pays qui ont plusieurs patois comme mon pays le Cameroun avec près de 250 ethnies. Car la possibilité de choisir un seul dialecte comme langue vernaculaire officielle s’avère impossible. Voilà en gros pourquoi j’ai trouvé ta démarche courageuse dans le contexte actuel.

Rima ABDEL FATTAH MOUBAYED
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Merci infiniment d'avoir pris la peine de revenir discuter du sujet. Merci aussi d'avoir apprécié ma démarche.
Je suis tout à fait d'accord avec toi, on peut aimer un pays et une langue sans vendre ses origines. Je suis fière de ma langue maternelle, fière aussi d'en connaître d'autres.
Je comprends la situation compliquée de pays comme le tien et je salue les personnes comme toi qui sont conscientes de ce problème. En évoquant ce sujet, plusieurs billets de mondoblogueurs me reviennent à l'esprit. Tant qu'il y aura des personnes qui se battront pour leur langue et leur culture, je pense que ces dernières ne craindront rien. Longue vie aux langues maternelles! (J'emprunte la formule au titre d'un billet de Carole, de L'ile Maurice)

Plume féconde
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Wow. Tres beau texte. Saches que tu ne parle pas pour toi seul. Ton histoire avec le Français ressemble beaucoup a la mienne. Et puis, j'adore ce style plein d'audace et de franchise. Je suis désormais un fan. Et je promets un billet du même genre. Félicitations!

Rima ABDEL FATTAH MOUBAYED
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Je te remercie pour ton commentaire. J'attends tes prochains billets.