A quoi ressemble ta colère?
« Moi, quand je suis en colère, m’a lancé un jour l’une de mes élèves à la fin d’une leçon de sciences sur les catastrophes naturelles, je ressemble à un volcan, un Piton prêt à entrer en éruption. Mes yeux deviennent tout rouges et je sens que je vais exploser. » J’ai alors demandé aux élèves de décrire chacun, en quelques lignes, sa plus grosse colère. Et pendant qu’ils se concentraient sur leur tâche, tête penchée, sourcils froncés, le bout d’un stylo ou une mèche de cheveux entre les dents, j’ai pris la peine de faire le même exercice. J’ai cherché dans ma mémoire ces souvenirs qui, tout comme les vieilles paires de chaussettes qu’on a beau pousser au fond du tiroir remontent à la surface dès qu’on y glisse la main.
Et j’ai revu, sans trop d’effort, des scènes de mon enfance, les crises de mon adolescence, mes premiers défis d’adultes, mes premières déceptions. Les larmes versées et essuyées du revers de la main, les cris poussés, les objets lancés, les portes claquées… et puis, le silence. Ce moment où le corps épuisé communique sa lassitude à un esprit qui n’a pas fini de bouillonner. Ce moment où tout s’arrête, où la Terre semble ne plus vouloir tourner.
« Et la vie continue », disait ma mère. Eh oui, elle continue. Et les aiguilles de la montre poursuivent leur course. « Un feu de paille« , murmurait-elle à mon oreille, en caressant mes cheveux qui couvraient ses genoux. C’est qu’elle ne pouvait voir, ma mère, la flamme qui brillait au fond de mon coeur. La passion naissante que ma rage nourrissait. Un feu de paille, ça dégage une épaisse fumée étouffante, ça laisse un tas de cendres froides. Or, mes colères à moi m’ont toujours menée vers de nouvelles voies. Mes coups de têtes m’ont projetée dans d’autres mondes, m’ont fait découvrir d’autres « Moi » qui sommeillaient en moi.
J’ai pris une feuille et j’ai rédigé ce billet en guise de remerciement.
A toute personne qui, un jour, a réveillé « mon » volcan.
A ceux dont les mots blessants m’ont donné des forces.
A ceux qui m’ont claqué une porte au nez pour qu’une autre s’ouvre dans mon dos.
Je dédie… mes colères.
Commentaires