Rima ABDEL FATTAH MOUBAYED

Paix, qui es-tu ?

Dans le coin d’une cour de récré, à l’ombre d’un platane, au milieu des huées, deux enfants se lèvent, époussettent leurs vêtements, se font face, s’observent. Des cheveux ébouriffés, un bleu à l’œil gauche, un autre au menton, un pantalon déchiré, un pan de chemise arraché… ces détails ne semblent nullement les perturber. Un océan de billes n’a pas fini de rouler à leurs pieds. Et puis, tout d’un coup, sans s’être donné le mot, les deux se baissent et, à genoux, poursuivent une nuée de boules de toutes les couleurs ; s’en remplissent les poches et les mains. La cloche sonne et, deux heures plus tard, se retrouvant au même lieu, les deux mélangent leur butin, oublient leur haine et se lancent, en se serrant les poings : « Faisons la paix ! »

pixabay.com
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A l’autre bout du monde, dans des costumes immaculés, des hommes aux cravates bien nouées,  souliers cirés,  papiers plein la serviette, s’installent face à face. Ils ont laissé à la porte leurs portables peut-être, pour ne pas être dérangés, mais surtout les images, déjà lointaines, de meurtres commis, de vols, d’incendies. Ils ont posé les armes, se regardent, se sourient. Ils oublient l’histoire, discutent de la géographie. Ils font des calculs, dans la tête et sur les doigts. Ils commentent, dissertent et finissent par signer, à l’encre de la mort, un accord ; sans oublier de lancer, entre deux tapes dans le dos : « Faisons la paix ! »

 

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Déesse d’un jour, Dame Paix s’installe avant de céder, à la première bille volée, au premier coup de feu lancé… Une paix fragile et feinte, maquillée aux couleurs de la cupidité.
Or, l’ère n’est plus au manichéisme. Une autre loi existe qui n’est point celle du plus fort. Plus forts, en effet, sont ces liens tissés, entre les quatre coins de la planète, par une toile virtuelle certes, mais qui n’en est pas moins solide. De jour comme de nuit, à chaque seconde, naît une nouvelle amitié. A chaque minute, une nouvelle expérience est partagée où chacun se reconnaît. A chaque heure, quelqu’un témoigne sa solidarité à d’autres qu’il ne connaît point, mais dont il soutient la cause. Chaque jour, de nouvelles pages sont créées et prennent place dans le vaste cyberespace.

Il ne s’agit point d’une mode, ni d’une quelconque nouveauté. De nombreuses années plus tôt naissaient, sous des plumes sensibles, des lignes ambitieuses chargées d’éclairer les esprits, rapprocher les partis, gommer les différences et valoriser les nuances.
Précaire, virtuelle, Paix tu es d’autant plus fuyante. Ambition collective, rêve de l’humanité, idéal à poursuivre… comment te définir ? Et pour t’atteindre, quelles armes porter, sinon des mots écrits, illustrés, murmurés, ou même hurlés au nez de la postérité.


Madame est bien désolée d’être une femme

Je suis une femme

On m’a consacré une journée.

Le 8 mars, on me rend hommage. 

Ce jour-là, je suis la reine. On loue ma féminité. On m’offre des fleurs, on m’écrit des poèmes. On crie sur tous les toits que le monde a besoin de moi. On salue la mère, la soeur, l’épouse, l’amie qui vivent en moi. On m’applaudit pour avoir fait des études. On me félicite, car j’ai réussi à me choisir un métier, à mener une carrière…

Je souris, je remercie. Je feins d’être reconnaissante.

Ingrate? Pas du tout. Je trouve seulement qu’ils ont tort de penser qu’il me faut attendre leur journée pour me souvenir que je suis Femme alors que tous les jours, on ne cesse de me le répéter.

« Un compte en banque pour votre enfant ? Madame, on est bien désolé. » Madame n’a qu’à faire, le lendemain, une entrée prestigieuse au bras d’un mari au torse bombé qui vient poser son indispensable signature sur tous les papiers.

« Quitter le pays ? Madame, on est bien désolé. Votre conjoint n’est pas d´accord. » Et cette dernière, sur-le-champ, d’aller mendier auprès de Sa Majesté, le droit de passer les frontières.

« Transmettre votre nationalité à votre mari, un étranger ? Vous n’y pensez quand même pas, Madame! » « Et mes enfants, alors? C’est bien mon sang qui coule dans leurs veines! ». « On est bien désolé, Madame, seul un homme chez nous porte son identité dans ses gènes. »

Cette année, je suis bien désolée, Messieurs qui tenez le pouvoir de ne pouvoir continuer à prendre part à cette mascarade d’un jour qui ne me fera pas oublier ce que vous me faites endurer, tout le long de l’année.

 

femme triste
femme triste

 

 

 

 

 

 

 

 


Journal intime d’un vélo (1)

Si mon vélo songeait un jour à tenir un journal, voilà à peu près ce qu’il y noterait.

 vélo. image libre de droits

Je reconnais le bruit de ses pas sur le trottoir vide. Il est à peine cinq heures du matin. Je l’attends depuis un moment. Je le vois, mal réveillé, traîner les pieds sur la chaussée poussiéreuse. Arrivé à ma hauteur, il commence à siffler entre ses dents un air gai, toujours le même. Je sens le bout de son soulier usé frôler ma roue. En un tour de main, il détache la chaîne qui me tient attaché au poteau. Il s’aggripe au guidon, enfourche la selle. Et voilà, soudain, nous ne faisons plus qu’un, Karim et moi. Un même être de chair et de fer.

Il est six heures pile. Karim me pose délicatement contre le mur de la boulangerie. La chaleur du four me parvient. Les odeurs appétissantes m’enivrent. Mon compagnon ne tarde pas à revenir. Sur son épaule, il s’est fait poser une longue planche de bois sur laquelle s’aligne une vingtaine de galettes rondes, bien chaudes, dorées et croustillantes. Bientôt, nous roulons dans les rues qui commencent à s’animer. Destination, l’école officielle des filles. Pendant le trajet, nous oscillons d’avant en arrière. En matière d’équilibre, je lui fais confiance. Les galettes glissent d’un bout à l’autre de la planche, sans jamais tomber.

Nous nous installons au même endroit. Juste en face du grand portail, sur un bout de trottoir. A présent, c’est moi qui tiens la planche en équilibre sur mon dos. Les écolières se bousculent, s’arrachent les galettes. Karim les regarde à peine. Il leur tend machinalement la nourriture, empoche les billets. Son regard vogue au loin.  Soudain, il sursaute. Tous les jours, c’est pareil; comme s’il la voyait pour la première fois. Une jeune fille aux longs cheveux tressés s’arrête à quelques pas, nous tourne le dos tout en jetant des regards furtifs dans notre direction. Le jeune vendeur, un morceau de pâte croustillant couvert de graines de sésame dorées à la main, vole vers elle, s’arrête à peine à sa hauteur. Après lui avoir glissé dans la main son petit déjeuner quotidien, il s’adosse, un peu plus loin, à un mur de pierres. Ils sont tous les deux dans mon champ de vision. Lui, le nez en l’air, la casquette enfoncée jusqu’aux sourcils. Elle, les mains tremblantes,  retirant d’un geste furtif le papier soigneusement plié et glissé à l’intérieur de la galette qu’elle porte à ses lèvres. Une bouchée. Un avant-goût des mots doux tracés maladroitement par son bien-aimé. Et un sourire sur les lèvres. La sonnerie de la cloche retentit jusque dans la rue. Les cris redoublent. « Elle » se noie dans la foule. « Lui » revient vers moi. Notre petite mission matinale est terminée.

 

En route pour le travail. Le vrai.

 


TRIPOLI: pile ou face?

Visiteur d’un jour ou citoyen affirmé, on ne peut s’empêcher d’hésiter quant au regard à jeter à ma ville. Dois-je me sentir coupable envers ce lieu_ qui m’a vue naître et grandir _ de ne savoir dans quel cadre poser son image? Ai-je le droit de lui jeter, de temps en temps, ce regard d’étranger, de lui reprocher ses défauts ou l’accuser de ses crimes? C’est à ma ville adorée que j’adresse toutes ces interrogations. C’est son âme que je sonde en même temps que la mienne. Je vais laisser mon esprit voguer dans ses recoins les plus éclairées comme les plus sombres, curieuse de savoir où me mènerait ce voyage.

tripoli mina

Tripoli.

Tes couleurs, tes odeurs et tes saveurs n’ont de secret que pour ceux qui auront choisi de tourner le dos à ta beauté. On ne saurait se lasser de tes coins où l’Histoire a laissé ses empreintes gravées à jamais sur les murs de pierre, sous les voûtes et dans les lieux de prière. Quiconque t’a connue, pour t’avoir visitée ou pour avoir vu le jour entre tes bras, n’ignore aucun des secrets qui font ton éternité. Tes portes qui ne sont plus mais qui ont laissé leur nom à la postérité. Tes églises dont les cloches font écho à la voix des muezzins, du haut des minarets. Tes ruelles qui sentent la sueur de tes artisans mêlée au parfum du savon qu’ils façonnent. Tes quartiers où se côtoient les échopes, dédale de grottes aux mille trésors. Tes boulangeries qui sentent bon, dès l’aube, ton pain chaud et doré, et tes man’ouchs bien garnis. Tes pâtisseries où les douceurs s’alignent comme des bijoux parfumés à l’eau de rose et inscrustés de pistaches, fourrés de crème de lait à la fleur d’oranger et arrosés de sirop…

Tu as toujours appartenu à tous, ma ville. Aux pauvres, comme aux riches. Aux chrétiens, comme aux musulmans. Aux instruits, comme aux analphabètes. A l’engagé, à l’indifférent, au poète, au flâneur, à l’ouvrier, au pêcheur… Aux mères, aux pères, aux enfants. Et chacun trouvait en ton sein, ma ville, le moyen de se forger une identité à l’image de la tienne.

Pour quelle raison, ma ville, dois-je glisser au passé pour raconter, ce qui, par-dessus tout, fait ta richesse, garantit ta pérennité?

Tripoli.

Qui a montré à la Haine le chemin qui mène au coeur de tes enfants? Qui a criblé tes murs, noirci tes fenêtres? Qui a armé tes hommes, drogué tes adolescents? Qui a tatoué tes flancs de symboles, de slogans écrits dans une langue qui n’est pas la tienne, ma ville? Qui a défiguré tes façades? Qui a miné ton corps, a fait taire tes mélodies? Qui a osé, ma ville, t’inventer des surnoms barbares? Qui a osé penser que tu étais à vendre, ou à louer?

Réveille-toi ma ville. Ils ont assez profité de ton sommeil.

Révolte-toi ma ville. Ils ont mal interprété ton silence.

Reviens, ma ville. Fais-toi belle pour tous ceux qui t’aiment.

Chante, ma ville, et ne crains pas de danser.

Prie, ma ville, comme bon te semblerait.

Tripoli fleur

 


Liban: prise d’otages. Un enfantillage?

A la mode, la prise d’otages à des fins diverses déshumanise nos sociétés . L’homme  n’y est plus qu’un simple pion pris dans un jeu qui le dépasse…

Tu me prends mon jouet, je te pique le tien. Tu casses la roue de mon camion, j’arrache la tête de ta poupée. Je ne saurais dire depuis combien de temps les gens de mon pays, et, par extension, ceux de toute la région aux alentours, ont décidé de transposer à leur vie d’adulte les vengeances de leur plus jeune âge.

Enlèvements au quotidien. On ne saurait être à court d’exemples! Les motifs sont très divers, là n’est pas mon propos. Les stratégies sont, elles aussi, nombreuses et varient de nature, de degré de professionalisme selon le public concerné. La prise de contact s’enrichit régulièrement de nouveaux moyens qui vont du classique coup de fil anonyme aux fameux messages postés sur la Toile. Mais, de mon point de vue, le crime est le même.

L’être humain traité comme un objet. Transporté. Maltraité. Enfoui loin des regards ou affiché sur les écrans du monde entier. Sommé de vomir des propos qu’on lui dicte. Rendu contre une somme ou en échange d’autres hommes. Fusillé, décapité pour servir d’exemple. Bouc émissaire des Grands. Les vrais, ceux qui tiennent les fils du pouvoir en ce monde devenu invivable car on n’y trouve plus sa place, ou plutôt, car on n’y trouve malheureusement plus de place pour les Autres.

Les prières des mères, la plainte des pères, le cri des épouses et les sanglots des enfants? Suis-je la seule à les entendre? Ou fait-on exprès de les nourrir, de les prolonger?

Ma conclusion rejoint mon point de départ. Tout ceci n’est qu’un jeu. Un sale jeu sans règles où tout le monde est perdant.


A quoi ressemble ta colère?

« Moi, quand je suis en colère, m’a lancé un jour l’une de mes élèves à la fin d’une leçon de sciences sur les catastrophes naturellesje ressemble à un volcan, un Piton prêt à entrer en éruption. Mes yeux deviennent tout rouges et je sens que je vais exploser. » J’ai alors demandé aux élèves de décrire chacun, en quelques lignes, sa plus grosse colère. Et pendant qu’ils se concentraient sur leur tâche, tête penchée, sourcils froncés, le bout d’un stylo ou une mèche de cheveux entre les dents, j’ai pris la peine de faire le même exercice. J’ai cherché dans ma mémoire ces souvenirs qui, tout comme les vieilles paires de chaussettes qu’on a beau pousser au fond du tiroir remontent à la surface dès qu’on y glisse la main.

Et j’ai revu, sans trop d’effort, des scènes de mon enfance, les crises de mon adolescence, mes premiers défis d’adultes, mes premières déceptions. Les larmes versées et essuyées du revers de la main, les cris poussés, les objets lancés, les portes claquées… et puis, le silence. Ce moment où le corps épuisé communique sa lassitude à un esprit qui n’a pas fini de bouillonner. Ce moment où tout s’arrête, où la Terre semble ne plus vouloir tourner.

« Et la vie continue », disait ma mère. Eh oui, elle continue. Et les aiguilles de la montre poursuivent leur course. « Un feu de paille« , murmurait-elle à mon oreille, en caressant mes cheveux qui couvraient ses genoux. C’est qu’elle ne pouvait voir, ma mère, la flamme qui brillait au fond de mon coeur. La passion naissante que ma rage nourrissait. Un feu de paille, ça dégage une épaisse fumée étouffante, ça laisse un tas de cendres froides. Or, mes colères à moi m’ont toujours menée vers de nouvelles voies. Mes coups de têtes m’ont projetée dans d’autres mondes, m’ont fait découvrir d’autres « Moi » qui sommeillaient en moi.

J’ai pris une feuille et j’ai rédigé ce billet en guise de remerciement.

A  toute personne qui, un jour, a réveillé « mon » volcan.

A ceux dont les mots blessants m’ont donné des forces.

A ceux qui m’ont claqué une porte au nez pour qu’une autre s’ouvre dans mon dos.

Je dédie… mes colères.

 


Matera… un an depuis notre première rencontre.

         En cochant la case “voyage culturel” sur la demande de visa que je devais remplir pour partir à Matera, en Italie, je ne   pouvais deviner à quel point ce voyage allait être … culturel.

Les sassis
Matera. Italie

         Rencontrer des poètes, des écrivains dont je n’avais jamais entendu parler. Les écouter présenter leurs œuvres écrites dans une langue que je comprends à peine mais dont la musique m’enivre, me va droit au cœur. Apprécier ces moments… n’est-ce pas la preuve de l’universalité de l’Art ? 

         M’écouter présenter, dans une langue qui n’est pas la mienne non plus, ni celle de ceux qui m’écoutaient d’ailleurs, le pays dont je viens, sa richesse, ses souffrances, sa ténacité… quoi de plus enrichissant que ce dialogue des cultures ?            

 

      Je n’oublie pas non plus, cette expérience d’un autre genre : dormir dans une grotte qui faisait office de chambre d’hôte, prendre le petit-déjeuner sur une terrasse d’où je pouvais embrasser du regard la vieille ville avec ses petites maisons de pierre ; prendre plaisir à voir se réveiller ses habitants dont les fenêtres s’ouvraient pour laisser voir des rideaux de fine dentelle blanche. Après le long sommeil de la nuit, la ville reprenait vie, mais nul n’osait briser ce silence divin auquel je goûtais tandis que la brise légère du matin caressait mon visage. Même les touristes matinaux qui gravissaient les petits escaliers de pierre semblaient se déplacer sur la pointe des pieds. Leurs chuchotements montaient vers moi comme des prières. En face de moi, une page de l’Histoire s’étalait sur le flanc d’une montagne aussi vieille que le monde, ou presque…                      

       Je l’ai compris dès ce premier matin. J’ai réalisé que je n’étais pas arrivée en simple visiteur avide d’évasion ou de nouveauté… Je n’étais pas un touriste venu prendre quelques photos, acheter quelques souvenirs… Je n’étais pas non plus un pèlerin en quête d’une paix intérieure…

        En réalité, j’étais tout ça… et plus encore.          

        J’étais venue marcher sur les vieux chemins, gravir les marches de pierre, faire le tour de la ville, longer ses murs centenaires, jeter des regards émerveillés sur ses « sassis » creusés à même la roche, qui en disaient long sur l’endurance des peuples qui s’y sont succédé. Bercée par la voix de mon guide, j’ai cru voir leurs empreintes gravées sur les pierres qui abritaient des fossiles. Je les ai imaginés sur les sentiers, dans les grottes… Fantômes que s’amusait à ressusciter mon imagination.              

       J’étais venue graver dans la mémoire d’un appareil sophistiqué des dizaines de clichés : des vues d’ensemble, des gros plans, des plongées, des contre-plongées… autant de preuves qu’il ne s’agissait pas d’un rêve. Ces prises suffiraient-elles pour graver à jamais dans ma mémoire le sourire de ces artisans qui me tendaient fièrement leurs chefs-d’œuvre en argile ? De quelle photo émergerait-il un jour le même chant mélodieux qui sortait de ces petits sifflets bariolés qu’ils portaient à leurs lèvres ?           

       En quelques jours, je suis tombée sous le charme de Matera. Joyau étincelant de mille feux la nuit. Monument, trésor de tous les temps le jour.             

  Matera… magique !          

  Matera… mystique !            

  Matera… unique !              

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Quelle rentrée pour les enfants de Gaza?

La rentrée. Cette journée n’a jamais été vécue de la même manière par tous  les enfants du monde.

Et cette année encore… Non loin de chez moi…

Les écoliers de Gaza auront-ils besoin de cahiers, à la rentrée?
Plus besoin de livres, ni de cahiers…

Bientôt, c’est la rentrée. Un peu partout aux quatre coins de la planète, les seaux de plage enlaceront les filets à crevettes au fond des placards. Les maisons de campagne, tous volets clos, plongeront dans un sommeil profond. Depuis quelque temps, dans toutes les vitrines, les cartables à roulettes bousculent les sacs à dos. Les jolies princesses côtoient les super héros.

Non loin de chez moi, dans un coin de ce grand monde, des enfants ont déjà pris le chemin de l’école. Petits Poucets, ils ont tracé de leur sang le chemin que d’autres ont suivi, pour se mettre à l’abri. Non loin de chez moi, à Gaza, des écoliers de tout âge envahissent les classes.
Pas besoin de livres, ni de cahiers. L’Histoire s’écrit à l’encre de la mort, sur la poitrine des enfants. La géographie s’efface, expire sous les décombres. Les calculs sont inutiles. Plus la peine de compter, ni les jours qui passent ni les victimes qui sont tombées. A Gaza, cette année, point de rentrée. Plus de cri de joie dans les cours de récré.


« chez moi »… un lieu?

« Chez moi, c’est… »  Tel a été le thème du concours Mondoblog 2014.J’ai tout de suite pensé à un lieu. J’ai essayé de peindre mon pays, ma ville, ma maison ou même ma chambre. J’ai été tentée de décrire ma famille, mes amis. J’ai voulu montrer mon passé, mon présent et plus encore… Mon chez moi est fuyant. Je l’ai saisi au vol. Je l’ai décrit  comme il est venu à mon esprit. Un tourbillon de voix, d’images et plus encore…

     Chez moi, c’est un livre d’Histoire où s’écrivent toutes les histoires. L’histoire des nôtres et celle des autres.

Chez moi, c’est un livre de prière, où chacun a gravé ses croyances, ses convictions.

Chez moi, c’est un album où se sont greffées mille photos. Des portraits, des paysages.

Chez moi, c’est un recueil auquel des poètes d’un jour ont confié leurs joies, leurs peines, leurs gloires et leur désespoir.

Chez moi, c’est un roman où la réalité se mêle à la fiction.

Chez moi, c’est un pays qui se vit, qui se lit.

Chez moi, c’est le Liban, c’est l’Orient, l’hospitalité, la convivialité et le sourire à tout venant.

 

C’est chez moi que je suis née, que j’ai grandi, que j’ai appris à vivre et à aimer la vie.

Chez moi, s’enfoncent mes racines. C’est là que je puise ma sève.

C’est aussi chez moi qu’ont poussé mes ailes.

C’est là que j’ai compris que le monde est vaste et qu’il n’y a que les géographes qui croient encore aux frontières.       

Chez moi, c’est ici et ailleurs. Cest partout!

Chez moi, il y a de quoi être heureux. Un toit, un lit chaud, une table bien garnie.

Des mets délicieux. Des couleurs, des saveurs.

Des jouets dans tous les coins. Des photos dans des cadres.

Des secrets chuchotés et des murs qui ont des oreilles.

Des bêtises avouées. Des larmes versées. Et des éclats de rire, à n’en plus finir!

Un passé, des souvenirs. De l’espoir, un avenir. Et beaucoup plus encore…

Mon chez moi, tel que je le vois.
Un non-lieu. Un livre. Un album. Un recueil. Un roman…

 


écrire en français…

Qui suis-je? Pourquoi, pour qui j’écris?

Je m’appelle Rima Moubayed, née Abdel-Fattah. Je suis libanaise. Je vis et travaille dans une ville située au Nord du Liban: Tripoli.

Depuis le temps de mes études scolaires, je griffonnais notes et commentaires, dans la langue de Molière, sur les cahiers de mes copines de classe. J’inventais des histoires que je recopiais une dizaine de fois, en essayant d’imiter les caractères d’imprimerie, et je les vendais à qui voulait les lire. Mes profs me félicitaient pour mon style fluide, pour mon français correct. Mes amies enrageaient de ne pouvoir dénicher dans mes écrits aucune des nombreuses erreurs d’orthographe qui sillonnaient leurs copies. Après le bac, je n’ai donc pas réfléchi deux fois avant de m’inscrire à la Faculté des Lettres de l’Université Libanaise où j’ai fait mes études en Langue et littérature françaises.

 

 

Cela fait quinze ans que j’enseigne dans cette langue que j’aime. J’aime bien mon métier. Je le fais avec beaucoup de plaisir.

 

Depuis le journal intime de la petite enfance, je n’ai pas arrêté d’écrire, de tracer noir sur blanc, en grandes lettres cursives,  mes joies et mes peines, mes rêves et mes craintes. Avec les années, j’ai vu ma plume glisser vers la fiction, d’abord pour déguiser ce que je ne voulais avouer sur moi, sur ma réalité, mon entourage, ensuite pour goûter au plaisir de créer un monde, des personnages qui ont chacun leur histoire, mais qui reste bien souvent un peu la mienne.

 

J’écris surtout des nouvelles. Je raconte mon enfance, mon pays. Mes lignes sentent les fleurs d’oranger. Mes mots ont le goût des sirops préparés par ma grand-mère. Mes pages renvoient l’écho des bombes qui ont secoué les murs de ma ville et les éclats de rire des enfants qui fréquentent ses ruelles.

Mes textes ont été primés à plusieurs reprises. En septembre 2013, j’ai gagné le 1er prix Premio Energheia Liban. J’ai été invitée à Matera, en Italie où se tenait la cérémonie de remise des prix. Je suis tombée sous le charme de cette ville mythique qui m’a porté bonheur. Ce premier succès a été suivi d’autres: 1er prix Plumes des Monts d’Or. Adultes de l’étranger. 2014; 2ème prix Premio Energheia Liban 2013 et, dernièrement, le concours Mondoblog 2014… Bien nourrie, mon ambition n’a pas de limites. Je ne cesserai pas d’écrire.

Premio Energheia 2013