Madaya, j’ai rêvé de toi…

Article : Madaya, j’ai rêvé de toi…
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9 janvier 2016

Madaya, j’ai rêvé de toi…

J’ai fait un rêve cette nuit.

J’étais assise au coin d’une rue. J’avais froid, je crois. Des frissons parcouraient mon corps. Je soufflais dans mes mains. Je les frottais les unes contre les autres puis, recroquevillée, je les enfonçais dans mon ventre, les glissais entre mes jambes… Rien n’y faisait, elles n’étaient plus que deux morceaux de marbre, deux vilains objets collés à mon corps, qui me faisaient souffrir et que je ne savais plus où mettre…

« J’ai faim« , murmura une voix dans mon dos. « Je meurs« , sanglota une autre à ma droite. Je les écoutai sans me retourner, le regard fixé sur mes mains qui allaient bon train, mendier une chaleur que mon corps ne pouvait leur prodiguer. « Du pain, du riz… » A présent, c’étaient de petits cris, des voix de plus en plus nombreuses, autour de moi, toutes faibles, comme le souffle d’un mourant qui expire son dernier vœu. Et soudain, je n’avais plus froid. La rumeur qui s’élevait, de plus en plus forte, en même temps qu’elle m’étourdissait, me réchauffa le corps, me brûla le cœur. Ils étaient si nombreux. Des jeunes, des vieux. Des enfants accrochés aux jupes de mamans qui, dans leurs bras, portaient des bébés trop fatigués d’avoir pleuré. Corps frêles, visages pâles, joues creuses, regards hagards. Je ne sais comment, il me sembla lire, sur le front de chacun, son nom, son histoire; et au fond des yeux, je vis défiler des rêves à n’en plus finir… Mon instinct porta mes doigts à mes poches. Il en sortit des bonbons, des biscuits et des douceurs sans noms qui me firent pleurer de joie. Des graines à profusion, du blé, des amandes et de grosses noix. Je sautai en envoyant en l’air mes bras, faisant pleuvoir cette nourriture autour de moi. Personne n’y toucha. Même les lèvres ne voulurent plus se desserrer. Du regard, ils me montrèrent de grosses chaînes et de lourds cadenas qui, entourant leurs chevilles, resserrant leurs poignets, les empêchaient de bouger.

Cette nuit, j’ai rêvé et, en me réveillant je pensais encore à ces pauvres gens affamés. Durant toute la journée, des écrans m’ont renvoyé leurs images: sur mon téléphone, sur ma tablette, ma télévision… ils étaient là, tout droit sortis de mon rêve. Je les ai reconnus et, tout d’un coup, j’ai encore eu froid, au coeur et aux mains.

Je suis sortie et il m’a semblé apercevoir une foule. Je m’en suis approchée et je me suis mêlée à ceux-ci qui, brandissant en l’air les photos des fantômes de mon rêve, criaient: « A mort le tyran! » Puis, au coin d’une rue, je me suis arrêtée. De grosses caisses recevaient des boîtes de conserve, des sacs de pâtes, de riz, de blé. D’autres, plus petites, des pièces, des billets. J’ai fait un don, remercié, félicité, prié. Et je m’en suis allée, l’esprit occupé à se figurer si, cette nuit, il serait encore temps de rêver.

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